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Bouts d'zen et cailloux blancs

8 mai 2020

Le plus difficile n'est pas de répondre, c'est d'avoir écouté avant le le faire.

Le plus difficile n'est pas de répondre, c'est d'avoir écouté avant le le faire.

Répondre est bien plus que rétorquer, c'est avoir entendu l'autre, pas seulement dans ses arguments ou ses questions, mais aussi dans ses silences, dans son besoin de reconnaissance et de relation.

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C'est l'indicible, l'incompris, l'irraisonné, c'est quelque-chose de l'insu qu'essaie d'entendre celui qui sait écouter vraiment. Mais ce faisant, il renonce à identifier l'autre à lui-même, il le prend pour un autre et se laisse altérer par lui, sans le réduire à une simple variation de soi.

Écouter, c'est en quelque-sorte ne pas savoir, C'est comme entendre pour la première fois, faisant face à l'inouï, en ayant à déchiffrer l'inédit. C'est percevoir, derrière la mêmeté des mots la singularité de l'être qui parle, même quand il ne parle plus.

Écouter ce n'est pas de l'intelligence, celle de la tête, c'est de la relation et de l'intelligence du cœur. Et c'est sans doute une chance car, même si nous l'ignorons le plus souvent, nous avons avons plus de cœur que de tête. Alors, nous pouvons répondre.

A short story of conversatrion, part 1 & 2 © Ignacy 50
https://500px.com/photo/304433547/
& https://500px.com/photo/304433549/

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6 mai 2020

Le hug est le namasté des gens qui savent dire qu'ils sont touchés de l'autre

Pour savourer l'embrassade d'un big hug, il faut la concrétude de l'autre, sa charnalité, les vibrations de son corps, sa texture, sa forme, sa consistance et le rapport des souffle pour que l'embrassade soit cette communication sans parole où l'on ressent, dans la poitrine de l'autre un cœur qui bat et en soi battre aussi son cœur qui lui ouvre les bras.

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Il faut comme s'en remettre à l'autre et qu'il s'en remette à nous pour ne rien attendre d'autre que cet instant de présence. Le hug ne saisit rien, ne capture rien, sinon l'effluve plus que l'effusion d'une rencontre. Ce qu'on en donne est égal à ce qu'on en reçoit, une confirmation et une affirmation d'un soi, d'un autre.

On s'y rend à l'évidence, l'étranger n'est plus un étranger, il est devenu un proche. Même s'il continue son chemin et nous le notre, on s'est ainsi croisé, dans les bras l'un de l'autre, sans distance, sans distanciation sociale, ouvrant le temps de cet instant, sans parole, la sphère de notre intimité, car ce qu'on s'y est dit n'a pas vraiment de mots, puisque c'était autoriser le silence, plutôt que nos bavardages, à faire rencontre.

Ce temps-là, même s'il y fallait masques, gants et autres équipements de protection individuelle, n'est jamais révolu, c'est une rêvolution permanente. Il n'y a pas de danger à ces instants désintéressés, pas de danger pour l'esprit, le coeur ou l'âme, même quand les corps doivent rester prudents.

Nous sommes des êtres de contact. Le hug est le namasté des gens qui savent dire qu'ils sont touchés de l'autre et les portent sur leur cœur, celui de ceux qui savent sécuriser et rassurer l'autre dans cet à-bras-le-corps qui est à-bras-le-cœur.

Tydé
Do you wanna hug me by Victor Borst # https://500px.com/photo/186478589/

26 avril 2020

Reprendre notre vie d'avant ?

Reprendre notre vie d'avant ? Faire à nouveau comme si le progrès était en marche dans un monde illimité, seulement là pour notre confort et notre gloire ? Consommer, polluer, remettre des frontières, des jugements et de l'individualisme ? Si c'est ça, le déconfinement, je n'en veux pas.

Je n'en veux pas si c'est pour remettre en route le système, tel qu'il dysfonctionnait très bien déjà, et en plus en y mettant les bouchées doubles pour rattraper je ne sais quelle croissance (sans doute celle de la fortune des plus riches aux détriment des peuples). Je n'en veux pas si c'est pour continuer d'épuiser et d'étouffer la planète et toutes ses formes de vie en plantant nos crocs vampires pour la vider de son sang. Je n'en veux pas si c'est pour revenir à ce somnambulisme hypnotique qui faisait de moi le docile citoyen de sociétés sans humanité.

La vie d'après, c'est maintenant, une vie sans oubli

Jamais je n'ai senti, autant qu'aujourd'hui, la bêtise de ce monde moderne où le destin des êtres de chair et de sang que nous sommes n'est une préoccupation que par accident, l'accident sanitaire d'aujourd'hui, le dérèglement climatique (je n'aime pas "réchauffement", ça lui donne un air trop chaleureux, un air de vacances qui seront en fait irrespirables) ou la violence terroriste qui ont commencé ce troisième millénaire.

Quoi de mieux qu'un virus, petit lambeau organique, capable de faire le tour de monde et capable d'abattre nos défenses immunitaires sans distinction de race ou de classe pour nous avoir rappelé l'interdépendance et la communauté de destin de l'humanité dans son entier. Quoi de mieux que cet ennemi qui n'en n'est pas un que l'argent n'est rien qu'un flux, qu'une agitation, une virtualité devenue immatérielle, qui craint de ne plus exister si le monde n'allait qu'à la vitesse du pas de l'homme.

Il nous pète à la gueule que le prendre soin de l'autre est la chose la plus vitale qui soit. L'indigence des moyens des hôpitaux, privés de médecins, de soignants, de personnels administratif et d'entretien, l'inconfort et la solitude dans les institutions accueillant nos malades, nos handicapés et nos fragilisés par la mal vieillesse est cruelle. L'eugénisme économique, rampant et cynique, qui ravageait déjà les peuples qui en voie de développement atteint (enfin ?), nos pays plus confortables. Mais ce n'est que maintenant que ça paraît un scandale, car c'est nous, directement qu'il touche.

L'inanité de la frénésie de nos quotidiens et de leur fuite en avant, notre capacité redécouverte de pouvoir vivre avec moins, sans la frivolité et la futilité de tant de nos achats, le retour à l'évidence du maintien du lien et de la communication, tout cela devrait nous convaincre que nous n'avons pas à reprendre notre vie d'avant, même si je sais que nombreux sont ceux (et nous sommes tous un peu de ceux-là) qui voudraient y retrouver la suicidaire insouciance de la fin du vingtième siècle.

Je veux commencer la vie d'après, celle où la conscience humaine reprend sa place dans la fragile beauté du monde ; celle où le cœur humain n'oublie plus qu'un cœur humain en vaut un autre, qu'une vie humaine en vaut une autre, sans prééminence ni d'âge, ni de race, ni de santé, toujours sous la menace de la Faucheuse ; celle où le gite et le couvert sont les premières nécessités et la première justice ; celle où l'on respecte l'utilité sociale de l'aide-soignante, de la femme de ménage, de l'employé, à l'égal de celle du banquier, du patron, du président.

La vie d'après, c'est maintenant, c'est mains tenant, une vie sans oubli de la Terre, une vie sans oubli de la biodiversité et de ses conditions optimales, un vie sans oubli de l'autre, une vie sans oubli ni de toi, ni de moi.

Tydé
Earthbender © Tara Campbell #https://500px.com/photo/108436759/

26 avril 2020

Pays des lumières ???

Penser que des lumières allumées il y a deux siècles et demi bientôt allaient rester incandescentes depuis sans être renouvelées est un peu couillon quand même. Va falloir en rallumer de nouvelles qui ne brûlent pas tout sur leur passage. Quelque chose où l'on soit moins conso-mateurs et conso- minables. Il faut que ça soit comme un feu de joie, un ballet parmi les lucioles. Une belle fête entre amis où chacun amène un truc qu'il a fait lui-même, un truc qu'on trouve pas dans les magasins et dans les banques, de ce genre de truc qui a pas forcément belle gueule, mais tellement de goût et d'amour dedans que ça en devient génial. C'est le genre de moment où on connait pas tout le monde, mais où est content qu'il y ait tout se monde là, parce si t'es là, c'est forcément que t'es au moins l'ami d'un ami, parce que tu aimes les fêtes sauvages et douces à la fois, les fêtes bohèmes où le rêve est invité.

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Se plaindre de l'obscurité ne rallume pas la lumière. Vive alors les nouveaux lumineux, ces hommes et femmes de cœur et de folie qui veulent remettre sens dessus dessous ce monde sens dessus dessous, ceux qui veulent renverser les tables mises sur le dos pour que chacun puisse y retrouver une place au banquet du monde. Les utopistes ne parlent en fait pas d'un autre lieu, d'un autre monde, ils parlent de ce monde-ci, le seul que nous aurons jamais pour vivre. Ils parlent d'une autre façon de faire de cette terre notre lieu : celui de la communauté des vivants, celui de la communauté des partageurs, celui de la vie qui est essentiellement partage et collaboration.

Dans deux siècles, on se souviendra de Rabhi ou de Morin comme les nouveaux philosophes des lumières du troisième millénaire. on se souviendra d'une nouvelle révolution française où ce n'est pas la Bastille, mais l'Elysée qui sera pris. On ne coupera plus les têtes, on se contentera de les ouvrir, de les ouvrir à l'autre vivant, celui d'autres continents ou d'autres langues, celui d'autres espèces, celui où l'on comprendra que nous n'aurons plus à nous éteindre qu'avec le soleil ...

Tydé
Photo © bsaz.photographie

17 avril 2020

J'ai été contaminé par ton être, une partie de toi y vit et y grandit.

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L'homme et la femme ne s'opposent pas ni ne se complètent. Ils ne sont pas ce qui manque à l'autre. Ils ne forment pas une unité en se fondant ou en s'ajoutant l'un à l'autre. Aucun n'a à être la moitié de lui-même, chacun doit l'être entièrement ; aucun n'a à disparaître, à s'effacer en ou devant l'autre, chacun a à se révéler par et pour l'autre.
Leur fusion n'est pas une confusion, une abolition, mais une affirmation et une révélation de leur totalité. Qu'ils soient un n'est pas possible, ils sont deux. Qu'ils ne deviennent qu'Un n'est possible que s'ils sont "d'eux". C'est leur totalité qui est le moyen de leur unité. Quand leur dualité devient non-duelle, ils ne forment pas un, ils sont fractales du Tout. Ce n'est plus alors leurs humanités qui s'unissent, c'est un éclair de divinité qui les transfigure.
Et c'est ainsi que l'amour les transcende et les transforme. Ils ne cessent pas d'être eux, ils cessent d'être deux pour être chacun le corps et l'autre le miroir, chacun confirmant à l'autre son plein droit d'être, sa dignité et sa valeur, chacun autorisant l'autre à ne plus se limiter, à ne plus imiter les autres, mais, enfin, à être totalement "soi-m'aime". Chacun rêve-aile son autre lui permettant de s'arracher de la pesanteur.
Pourquoi cela n'est-il pas possible seul ? Pourquoi l'amour que l'on se porte à soi-même n'y suffit-il pas ? Sans doute parce qu'il faut de l'autre en soi, du vraiment autre au-delà de nos simples disparité et complexité, sans doute parce que les âmes se fécondent entre elles ...Si on ne nous avait pas cassé les c... avec ces histoires de princes et de princesses qui vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Si on comprenait ce qu'"âmes sœurs", "flammèches jumelles" voulaient dire. Si on cessait de faire croire à la complémentarité ou à la fusion de deux êtres dans un couple ... Être ou ne pas être en couple ne serait pas la question qui fait tourner les têtes et les cœurs.

Dans les contes de fées, dans quelques-uns d'entre eux, car tous ne finissent pas dans la mièvrerie d'un mariage heureux et fécond (que vous pouvez lire aussi en 2 mots. NDT), alors que les milles épreuves qui précèdent cette fin heureuse (qu'on retrouve en force dans la grande majorité des "films d'amour", autre NDT) sont détaillées mais rien de la vie à deux n'est présenté comme une grande aventure, dangereuses, initiatique et semer d'embuches ou d'épreuves.

Pourtant, c'est sûr, les vies de couple en sont remplies. N'y a-t-il donc aucune bonne fée qui puisse nous aider passée l'adolescence ? La réponse est, mais dans le fond, c'est toujours le cas, la bonne fée, c'est l'intériorisation de la force d'aimer et d'être aimé. C'est seulement ça qui permet de s'affranchir de l'image de souillon qu'on a de soi pour apercevoir toute la noblesse qu'il y a en nous. Et ce n'est que cette conscience qui permette qu'elle puisse être visible, même, ou surtout d'un prince charmant, c'est-à-dire d'un autre en qui cette noblesse, ce joyau qu'est l'amour apparaît aussi.

Tant que nous restons des crevards de l'amour, nous serons prêts à nous jeter sur le premier os à ronger, et il se pourrait bien qu'on s'y casse complètement les dents. Le paradoxe, c'est qu'il faut avoir appris à être aimé(e) de soi d'abord pour réussir à être aimé de l'autre. Et pour avoir appris à être aimé de soi, il faut avoir été aimé pour bien autre chose qu'être un objet sexuel, il faut avoir été aimé pour soi dans une relation de tendresse désintéressée. C'est ce qui explique parfois qu'il vaut mieux être aimé d'u chien que d'un père, d'une mère d'un frère d'une sœur, d'un oncle ou d'un voisin qui aurait vu en nous un moyen de ronger l'os des crevards.

Alors, oui, OK, on cherche tous l'amour, mais il n'est dit nulle part qu'il dépend d'un statut marital. Mieux vaut toujours se dire que ça dépend de nous.
Pour dire Je t'aime, les indiens Yanomani en Amazonie disent Ya Pihi Ikarema, qui signifie : J'ai été contaminé par ton être, une partie de toi y vit et y grandit. L'image de la contamination est non seulement belle, mais, par rebond avec un discours moderne, nous dit combien d'habitude, notre système immunitaire essaie de détruire le non moi en nous.
L'amour vient faire céder cette barrière qu'on oppose à l'autre, elle est débordée par lui, submergée et l'autre s'infiltre en nous, comme une évidence. Ce toi devient moi, cet autre devient le "m'aime". Mais les digues sans doute cèdent des deux côtés. Et c'est en cela que pour être la totalité de soi, il faut l'être avec l'autre.
Cette "maladie d'amour", que décrivent les Yanomani dit aussi à quel point, dans une relation amoureuse véritable, bien loin du seul sentiment et plus encore de la consommation sexuelle (où l'autre est "détruit" au profit du seul entretien de sa propre existence), les amoureux sont nécessaires l'un à l'autre pour chacun continuer à grandir en et par l'autre.
Ce n'est pas l’entièreté de soi qui vit et grandit en l'autre, car aucun n'est dans la dépendance ou avilissement, mais bien une partie, cette partie de l'être qui peut croître toujours et qui trouve dans l'autre aimant le creuset de sa transformation. C'est plus que de la chimie, plus qu'un jeu hormonal, c'est bien de l'alchimie. C'est une bien étrange altération, une entrée de l'autre en soi, qui nous transforme, comme un plomb qui devient or.
Quand nous disons je t'aime, souvenons-nous désormais que chacun a une part de l'autre qui vit et qui grandit en soi. Cela nous transforme et le transforme. C'est de l'âme agit de l'un dans l'autre, c'est cela qui est amour :
Oh mon amour, je ne veux pas partager ta vie, je veux la multiplier.
Je ne veux pas entrer dans ton lit mais entrer dans ta vie, comme on rentre chez soi après un trop long exil. Je ne veux pas que tu sois ma moitié, ni même mon tout,
je ne veux que toi comme l'autre de ma vie, comme le contre-chant de toutes mes chansons.

Oh mon amour, je ne veux pas que tu me combles, ni moi que je te comble,
je veux que nous creusions ensemble toute la profondeur de nos existences, pour leur donner à chacune sa grandeur. Je ne veux que tu dépendes de moi et que je dépende de toi, je veux que nos libertés s'encouragent l'une l'autre, comme le font les oiseaux en plein ciel.

Oh mon amour, oh mon aimée, oh mon aimante, Ce n'est pas que je ne veux pas te perdre, c'est surtout que je veux te gagner, te mériter et me battre chaque jour pour cela. Tu ne seras jamais ma conquête, car ce n'est pas une guerre, jamais ma chose, jamais à moi ; tu es un ciel, une terre, un horizon et j'y serai un pèlerin, un paysan et un poète”
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16 avril 2020

A la manière zen, paradoxale et sans certitude, sur le mental et sa disparition

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Nous sommes si souvent les passants pressés par notre mental, si conditionnés par nos réflexes de pensées, par nos préjugés et nos jugements perpétuels lancés à la face du monde et à la gueule de l'autre. L'essentiel de notre activité mentale est un jeu de coq à l'âne, un marabout de ficelle sans fin, une rumination qui fait les cent pas, un lion en cage triste et en colère. Notre mental, souvent plus préoccupé à ses ruminations, à ses remémorations, à ses anticipations et à ses rêveries, passe souvent à côté d'incroyables beautés. Nous allons, sans voir personne, ni sourire, ni saluer, ni s'arrêter pour contempler une fleur, le vol d'un papillon ou d'un oiseau, une ombre qui danse gaiement sur un mur. Nous allons, vite, le plus vite possible, sans sentir nos pas, nos pieds, notre corps tout entier se mouvoir et être caressé par le vent qui nous enveloppe.
Le petit vélo que nous avons dans la tête, nous pédalons comme des forcenés dessus, comme si nous allions tomber si nous arrêtions. Nous sommes sans confiance en nos pieds, mais seulement à notre vitesse, pour trouver l'équilibre. Et nous nous sentons si seul dans la foule des villes et des trottoirs. Entourés sans doute, pensons-nous de gens hostiles dont il vaut mieux ne pas croiser le regard, pour ne pas déclencher leur réprobation, leur jugement ou leur colère. Surtout, ne rencontrer personnes, car on ne sait jamais ce que donne les rencontres.
Et pourtant, pourtant, un regard bien veillant est là, celui s'une conscience aimante, attentive, bienveillante. Nous passons sans cesse devant lui, sans le remarquer, sans avoir vraiment conscience de sa présence, sans savoir qu'il ne nous quitte jamais, qu'il est là chaque jour, à chacun de nos passages, à chacun de nos pas.
Notre cœur est un grand sage. Malgré les coups qu'on lui porte, peut-être même à cause des coups qu'on lui porte, il est là, à nous observer sans fin et sans impatience, souffrant tout ce que nous souffrons, goutant tout ce que nous goûtons, aimant plus encore tout ce que nous aimons. Il est là, en éveil, plein de compassion, de douceur, de tendresse pour ce passant que nous passons notre temps à être.
Il suffit de s'arrêter une fois, au moins une fois, rien qu'une fois devant lui et se tourner vers lui, et nous saurons. Notre cœur est en éveil, parce que nous avons besoin de toute son attention, nous qui sommes si souvent sans attention. Notre coeur est en éveil et veille sans cesse sur nous. Et notre cœur est sans doute le seul à pouvoir nous aider à arrêter cette course folle, insensée, inconsciente où nous agissons comme des passants au lieu d'agir comme des êtres pléniers.
L'éveil n'est pas une grande expérience, c'est juste l'expérience de laisser passer les choses, de les laisser êtres les passants pour revenir au cœur et les voir aller chacune à son rythme passant devant nous.
Si un disciple rencontrait un maître pour l’interrogeait sur la méditation et la sérénité, cela ressemblerait peut-être à cela, en tout cas si on traduisait leur dialogue silencieux en mots entendables depuis le mental, ce qui en soi est déjà un paradoxe.
- Maître, je veux apprendre impassibilité. Je veux apprendre à être, devant les émotions, aussi imperturbable que le roc. Je veux pouvoir les chasser comme le vent chasse les nuages du ciel et ainsi devenir une montagne de sagesse.
- As-tu déjà observé, cher novice la queue de la vache ? Vois ce qu'elle fait des mouches. Elles les chassent, certes, le temps d'un battement de queue, mais au final, elles sont toujours aussi nombreuses posées sur son cul. Ton esprit est bien plus proche de la queue d'une vache que du vent qui chasse les nuages.
- Mais enfin, maître, n'y a-t-il pas un moyen de ne pas souffrir de ses émotions et d'atteindre ce détachement dont nous parle le Grand Éveillé ? Ne faut-il pas tuer en soi la colère, l'envie, la peur pour atteindre le bonheur ?
-Est-il possible de vivre sans vivre te semble-t-il ? Est-il possible de n'avoir ni ressenti, ni pensée, ni espoir, ni douleur, suspendu en dehors du temps ? Nombreux sont ceux qui appellent ça la mort. Veux-tu être un caillou, sans cœur et sans conscience ? Veux-tu être l'arbre mort qui semble encore tenir debout, mais que n'attend que la pourriture ?
-Bien sûr que non. Mais c'est le tourment incessant de ce tourbillon d'affects qui me cognent la tête et le cœur que je veux arrêter pour ne sentir juste que l'eau pure de la vie couler tranquillement dans mes veines. Ce sont toutes leurs contradictions, tous les déchirements qu'ils provoquent que je veux faire cesser.
- Je vais te confier un secret. La vie est faite d'émotions. Ne me demande donc pas comment devenir insensible. Demande-moi plutôt comment rester sensible, comment ne pas vivre une émotion à la place d'une autre. Quand tu es triste, ne sois pas en colère, apeuré ou honteux, mais simplement triste. Quand tu es gai, sois-le tant que tu es gai. Quand tu as peur, accepte d'avoir peur et vois avec elle ses raisons ou les déraisons de sa peur. Les émotions, comme les mouches, reviennent toujours. Le mental, comme la queue de la vache, s'agite sans cesse pour tenter de les dompter. Mais il ne viendrait pas à l'idée de la vache de se couper la queue ou d'écraser les mouches. Elle préfère ruminer l'herbe que ces mouches que chasse sa queue et vivre sa vie de vache, y compris les mouches. Sois attentif à tes émotions comme aux cadeaux précieux de l'instant, chacune à son heure, chacune à sa nature. Ne les torture pas, ne les persécute pas, c'est toi que tu blesserais et pas elles. Reçois chacune d'elle pour ce qu'elle est, sans la mélanger de force à d'autres. Ne sois pas que la queue de la vache ... si tu es une vache, sois une vache, si tu es un homme, sois un homme.
En fait, si les pensées n'étaient que des pensées, elles ne seraient aussi fugaces que les nuages chassés par le vent (c'est du moins l'image que l'on propose traditionnellement pour expliquer qu'elles ne font que passer dans le ciel de la conscience et qu'un esprit serein les laissent le traverser sans s'y accrocher). Le méditant, assis sur son zafu, découvre ainsi qu'il n'est aucune de ses pensées, mais juste cette présence attentive et aimante qui les voit défiler, cette conscience de la conscience psychologique, pleine d'émotions et d'interprétations que d'autres appellent illusions. Mais cette capacité à se situer en dehors du mental paraît bien surnaturelle au plus grand nombre et ceux qui en sont capables n'essaient ni d'être négatif, ni même d'être positif, ils se contentent de ne s'identifier à rien d'autre qu'à la conscience de la vie, dans sa beauté, sa souffrance et son impermanence.
Mais, dès que le mental reste notre fonctionnement habituel et prédominant, les pensées ne sont pas des nuages, ce sont des graines qui viennent souvent prendre racines dans nos esprits. Sitôt semées, ces pensées deviennent de jeunes pousses. Les pensées positives sont plutôt comme des fleurs, les pensées négatives plutôt comme des arbres, parfois même des baobabs. C'est là alors qu'il faut entretenir son jardin mental. Avec un peu d'habitude, on reconnaît vite fleurs et arbustes fleuris des arbrisseaux capables de s'enraciner si profondément que, très vite, rien ou presque ne pourra les arracher. Ils pourraient tout envahir si on n'y prend garde.
Le problème de la raison raisonnante, du mental qui mentalise tout, de l'ego qui ramène tout à soi, ce n'est pas qu'ils ignorent, c'est qu'ils ne comprennent pas que le cœur est d'abords émotions, communions, communication, partage et identification du et au ressenti. La raison a besoin de froideur, le cœur a besoin de chaleur. La raison a besoin de logique, le cœur a besoin de sens (sensorialité et signification confondues).

Les gens qui font avec le cœur n'ont pourtant pas perdu la raison. Ils ne sont ni idiots, ni fous. Ils ont juste accepté de demeurer dans la poésie plutôt que de s'installer dans le prosaïque. Ils préfèrent les contes aux comptes. Ils choisissent plutôt d'avoir mal que de faire du mal. Ils renoncent aux certitudes, aux préjugés ; à l'intolérance laissant l'incertitude le doute et la tolérance les guider à tâtons dans les recoins obscurs de la pensée.

L'un des secrets des pensées négatives, c'est alors de comprendre qu'elles ne sont pas nous. Elles sont tous les jugements mal-aimants qu'on a fait à notre encontre ; elles sont toutes les interdictions qu'on se répète à force de les avoir entendues à notre spontanéité, à notre créativité, à notre expression libre ; elles sont tous les rejets, toutes les violences, toutes les insultes, qu'on a incorporés malgré nous ; ce sont, au final, des pensées qui nous méprisent, qui nous insultent et qui nous brisent.
La puissance des pensées positives, c'est qu'elles ne nous empêchent pas d'être, bien au contraire, elles permettent l’épanouissement, la résolution des problèmes, la préservation de la vie et la communauté des hommes et des femmes du monde. Une pensée positive nous dit "oui", elle nous autorise et elle nous responsabilise. Elle fait alors de nous l'auteur de notre vie, en réponse aux interpellations et aux défis qu'elle nous lance, en réponse aux questions que l'autre nous pose, parfois derrière des apparences différentes. Cela ne rend pas forcément la vie plus facile, mais plus "simple", moins envahie par mille condamnations a priori, mille interdits par principe, ne nous cherchant pas querelle perpétuellement.
À défaut d'être sage, qui n'est être ni positif, ni négatif, mais en accord avec la vie, même dans ses contradictions, soyons au moins positifs, au moins nous n'étoufferons pas.
Ainsi en est-il dans ce petit apologue :
"La petite voix qui lui disait ce qu'il fallait vivre lui répétait sans cesse : "Il faut vivre l'instant présent, tout de suite, tout le temps, sinon tu ne seras jamais heureuse !". Elle, elle le voulait aussi, tout de suite, tout le temps, sans peine, comme un ciel bleu, comme un avant-goût de paradis, comme la paix enfin dans sa tête et son cœur.

Et elle s'est mise à penser à tout ce qu'il fallait faire, bien comme on lui avait dit de faire. Mais on lui avait dit tant de choses, et tant de choses contraires. Et il fallait penser à ne plus penser, et il fallait faire le vide. Mais comment faire le vide d'une coupe qui déborde sans arrêt ...

Un oiseau sur une branche chantait. Il ne pensait pas le rayon de soleil ou la goutte de pluie qui tombait sur lui. Il les ressentait, sans savoir ce qui viendrait après, sans savoir ce qui venait avant. Les oiseaux sont ainsi, sans rêves, ni préjugés. Ils ne savent pas ce qu'il "faut" faire, mais ils vivent.Ils n'ont qu'une certitude : s'il fallait qu'il pense qu'il "faut" voler, ils tomberaient tous."
L'instant présent est d'abord, peut-même uniquement, l'instant de la sensorialité, de cette relation sensuelle, tendre et immédiate qui nous relie à notre corps, à notre souffle, au spectacle de nos yeux, au concert de nos oreilles, à la caresse sur nos peaux. On peut même parler d'une forme d'érotisme, de cette charnalité de l'amour qui n'a pas besoin de notre mental, de nos fantasmes ou de nos représentations pour nous relier à ce qui est, dans l'instant, présent à nos sens.
La pleine conscience est-elle autre chose que cette conscience pleine des sensations et des émotions qu'offre le moment ? La pleine conscience n'est-elle pas tout ce qui vient avant le jugement (qui vient dans la seconde d'après), mais immédiatement, dans la découverte des sens, juste avant l'attribution d'un sens ?
L'écoulement du souffle en nous, dans le corps ; les saveurs qui éclatent dans la bouche et jouent les unes avec les autres ; toute la symphonie des sons autour de nous, qui virevoltent dans les airs ; les textures, les matières que nos peaux viennent rencontrer ; tout est là, offert, abandonné à l'exploration de nos sens. C'est l'oublier qui devient notre inconscience.
Entrons dans l'instant comme on entre dans un temple. Entrons dans l'instant comme on s'approche d'un corps aimé, d'un corps aimant. Laissons-nous pénétré par lui, envahi et enivré, complètement perdu et complètement retrouvé en lui.
Ce n'est pas l'ascèse, c'est l'éveil des sens, un second souffle, l'ouverture à la zensualité.
16 avril 2020

D’un inventaire à la pervers à la fratrni-Terre ?

Si nous partagions, ne serait-ce qu'une seconde, la conscience de Gaïa, la Terre-mère consciente que certains disent exister, je crois que nous en mourrions de douleur dans l'instant tant c'est violent. Et pourtant quel regard d'amour doit-elle avoir sur toute forme de vie pour ne pas nous avoir déjà tous éliminés de sa surface. Peut-elle espère-t-elle encore, sentant çà et là, même chez les humains, non seulement du bonheur à vivre, mais aussi de l'élan à défendre la vie, à la protéger de toutes ses forces, sa conscience, son action et sa parole. Notre planète, même si elle semble à beaucoup n'être qu'une galère, un radeau perdu dans l'univers, est en fait une arche, une tentative portée par la foi de préserver la vie du déluge des malheurs incessants.
Tant que nous consommerons la planète au lieu de retrouver comment la respecter et communier avec elle, en bonne fraternité avec toutes ses formes de vie, nous restons de ceux qui écrasent la terre entre leurs doigts. Dès que nous commençons à prendre soin du sort des autres, à protéger la vie animale ou à renoncer à polluer la planète, nous devenons de ceux qui veulent tenter de sauver l'oisillon en danger de mort.
Pour l'instant, l'issue de cette dialectique s'oriente plus probablement vers la fin de notre espèce et des dommages durables pour notre planète (mais qui sait si le réveil de nos consciences ne peut en contredire le pronostic ?).
C'est déjà la fin du monde. Elle l'est dans nos têtes, elle l'est dans nos peurs, dans ce sentiment de l'imminence d'une catastrophe qu'on croit percevoir chaque jour un peu plus. On le devine déjà dans la crise écologique ou le réchauffement climatique. On la pressent dans l'eau de nos mers qui bientôt ne seront plus que plastique et cadavres de migrants. On l'imagine dans le lit de nos hôpitaux, dans la pandémie ou la précarité sanitaire, dans le cancer. On la redoute dans les sautes d'humeurs des chefs d'état à l'arme nucléaire. On l'observe dans nos sols exsangues, rongés par nos pelleteuses, nos mines et nos forages. On la voit dans ces vagues, ces pluies et ces incendies qui se déchainent contre nous au gré de leurs colères. On craint de la voir exploser comme nos centrales nucléaires hors d’âge ou les bombes de toutes sortes de toutes sortes d'armées, même de gueux. Nous croyons que notre monde s'effondre, nous croyons à la X-ième grande extinction, nous croyons à la fin de notre modèle social, à la fin de nos illusions, à la fin du progrès, à la grande régression, à l'atomisation du monde et des relations.
Le monde, notre monde actuel, n’est plus un monde, c’est un immonde, un monde dans toute son horreur, un inventaire à la pervers, dans toute sa cruauté et ses délires. L’immonde, c’est ce monde privé de ciel et d’horizon. On y crève tout à la fois de trop de choses et de faim. Ce n’est plus le lait du sein de notre Mère Nature que nous tétons, c’est son sang que nous suçons. Dans ce monde sans avenir, nous préférons baisser la tête, non à cause de notre honte, mais pour aller encore plus vite, encore plus fort, nous fracasser la tête contre le mur.
Souvent, ce n’est pas le mépris, ni même le cynisme seulement, des puissants qui en est la cause, mais c’est l’indifférence, cette manière trop habituelle de ne plus ni regarder ni écouter l’autre, cette façon si commune de préférer juger plutôt que de comprendre, et cette manière que nous avons de penser que l’amour n’est qu’une affaire privée, qui nous arrive au petit bonheur la chance. Et si nous ne sommes pas coupables de notre malheur, peut-être cependant en sommes-nous complices, préférant notre sort à l’inquiétude pour celui du prochain et du lointain.
La consommation est une consumation. Le pire étant que nos désirs conditionnés par ce monde soufflent sur les braises du brasier de notre terre que nous brûlons ainsi à grand feu. Plus nous possédons, plus nous dépendons. Nous dépendons de nos grandes surfaces, de nos fournisseurs d'images et d'accès, de nos banquiers et assureurs. Nous dépendons des rêves inaccessibles d’îles paradisiaques, de palaces ou de voyages lointains dont on sature nos esprits. Presque toutes les images qui couvrent nos murs ou nos écrans nous parlent d'un monde irréel, fait davantage d'illusions que de la réalité des êtres.
Nos écrans sont devenus un kaléidoscope. Le monde qu'on nous y présente est éclaté, morcelé. C'est de la verroterie qu'on échange avec nos consciences, panem et circum jetés au peuple pour le distraire pour lui dissimuler les formidables enjeux de pouvoirs et la folie meurtrière qui agitent la planète et pour taire l'étonnante capacité de résistance et d'invention d'hommes et de femmes de bonne volonté.
On nous parle sans arrêt de crise et on nous fait rêver de palaces, de plages du bout du monde et des miracles de l'argent. On nous annonce le grand réchauffement de la planète, des îles submergés, des tsunamis en même temps qu'on pleure la croissance perdue, la désindustrialisation et de baisse des cours du pétrole. On refuse ici des mosquées, la barbarie du voile intégrale et l'immigration des peuples qui fuient l'obscurantisme fanatique et on se plaint des attentats meurtriers qui tuent davantage encore là-bas qu'ici. On vilipende l'industrialisation folle de l'agriculture qui tue nos paysans et nos paysages et on veut manger viandes et poissons chaque jour. On remplit nos tables au nord pour laisser les enfants du sud se nourrir de galettes d'argile. On veut toujours plus de champions et de spectacles et on se scandalise du dopage.
Schizophrénie, à la fois morcellement et dissolution, des consciences que tout cela. Tout se succède et rien ne se relie. Tout s'accélère, et rien ne semble plus nous permettre de nous poser. Nous devenons des agités du bocal, comme le sont les molécules dans un four micro-ondes. Toutes les pièces sont éparpillées, sens dessus dessous, immense puzzle qui semble avoir perdu son modèle. Chacun se sent désemparé et impuissant, submergé par l'énormité et la monstruosité de la tâche.
***
Il n'y a pas à rêver d'un autre monde, il n'y en a pas d'autre, pas de planète B, pas d'univers parallèle dans lequel s'échapper. Nous n'avons et nous n'aurons toujours qu'une seule terre. Il n'y a pas d'ailleurs, il n'y a qu'un ici. On aurait beau vouloir le fuir, rien ne nous affranchira de sa gravité. Ne cherchons donc pas ailleurs ce qu'est notre enfer, notre purgatoire ou notre paradis. C'est ici, ici-bas, dans ce monde imparfait.
Il faut cesser de croire à cette main invisible qui régule les marchés, car elle étrangle les pauvres de tous les pays, par milliers, par millions, par milliards. Il faut cesser d'y croire à l'augmentation sans fin des richesses qui n'augmente sans fin que la richesse d'un very very happy few. Il faut cesser d'y croire à ces fables, que les seuls méchants n'ont pas suivi leur catéchisme et que tous les autres sont de bons chrétiens. Il faut cesser d'y croire à ces races, à ces frontières, à ces tyrans qui suffiraient à expliquer le malheur du monde.

Le monde est un : planète unique où tout est en interaction constante. Écologie, économie, politique, culture, relations interpersonnelles, tout peut converger. Chacun y a sa part. Non pour que l'Homme soit le maître du monde, même pas une pièce maîtresse, mais pour qu'il cesse d'en être le cancer, le parasite, mais une de ses cellules.
Nous y croyons. Nous avons tort. Tort non pas parce que c'est impossible, tort non pas parce que c'est hautement probable. Nous avons tort simplement parce que rien ne nous condamne à être toujours la pire part de nous-mêmes, la pire part de l'humanité. Si ça ne peut plus continuer ainsi, c'est que nous ne pouvons plus continuer ainsi, dans le déni du danger absolu. Nous ne sommes pas l'espèce supérieure que nous avons, pendant des siècles et des siècles, crus que nous étions. Nous sommes, il faut le reconnaître, pour l'instant, de la pire espèce, de l'espèce des nuisibles, des parasites, des tueurs de monde.
Ce n'est pas dans notre mental, mais dans notre conscience que nous pouvons faire ce pari. L'apocalypse annoncée n'est pas la fin du monde, mais la révélation de sa nature et de son sens. Nous ne sommes pas le sommet du monde, nous ne sommes pas le centre de l'univers. Nous nous sommes trompés quand nous pensions qu'il fallait dominer la terre, nous aurions mieux faits d’entendre qu'il ne s'agissait pas d'être maître, mais de faire notre maison (domus) de la terre, notre refuge et notre jardin. Il est plus que temps, enfin, pour que, peut-être, il reste une toute petite chance que ce ne soit pas la fin, de voir que tout est lié, tout est relié, que tout est un, que tout est pris dans la même ronde, celle de la Terre autour du soleil. L'eau, la terre, l'air et le feu du soleil, voilà tout ce que nous avons, voilà surtout tout ce que nous sommes. Tout ce que nous avons rejeté dans l'eau, la terre ou l'air nous retourne et entre, en profondeur, au plus secret de nos cellules. Normalement, nous aurions dû en vivre, pourtant, aujourd'hui, plus souvent qu'à notre tour nous en mourrons.
Pour que le monde soit un monde, il faudrait qu’il tourne rond. Et pour qu’il tourne rond, il a besoin de nous, que nous cessions de vouloir qu’il tourne autour de nous pour le suivre dans sa ronde, au rythme des jours, des nuits et des saisons. S’il nous offre ses fruits, c’est pour nous appeler à une certaine frugalité, et pas à cette voracité où nous avons les yeux plus gros que le ventre et avons dévoré en été déjà les fruits de l’hiver suivant. Arrêtons donc de croire que toutes nos merdes sont solubles dans son eau, elles l’empoisonnent en même temps que nous.
La race humaine est une. Toutes les charias, les guerres ou les frontières ni changeront rien, nous sommes tous d’un même sang. Les gens ne peuvent venir des quatre coins du monde. Mystère de la rotondité, tous nous sommes sur le même plan, celui que conspire l’univers à notre égard : celui de nous relier les uns aux autres, quoi qu’on en veille, quoi qu’on en fasse, dans une inter-dépendance qui nous dépasse.
Est-ce que c'est désespérant ? Est-ce que la cohorte de malheurs qui frappe autant la planète que les peuples, les corps ou les relations doit nous amener à ne plus rien attendre, espérer ou vouloir ? Faut-il n'être plus que colère, sentiment d'injustice ou de persécution ? C'est en tout cas sans doute cela qu'on appelle le mental, non pas la capacité de penser, mais la rumination du malheur.
Nous sommes tous embarqués dans la même galère, sans planète B ni autre grand vaisseau spatial et il n’y a pas d’autre gâteau à partager. Ne cherchons pas de supériorité sur cette terre, il n’y en a pas. Nous sommes alters et égaux. Nous sommes les éléments d’un Tout. Dans ce Tout, la vie est un don et pas un dû. Sans gratitude et compassion, cela ne servira qu’à renforcer l’autre évidence, nous sommes mortels. Pour que ce monde soit à nouveau un monde, il n’y a pas de solution. Il n’y a pas de solution, mais une seule réponse : Oui, je veux la vie. ! Pas MA vie, mais LA vie. Tout ce que je peux tenter, c’est d’en préserver le mouvement, un mouvement de balancier, un grand tic-tac, celui du cœur.
***
 
Nous oublions alors trop vite la première leçon : "je suis fait de terre", fait de Terre. Ce n'est pas directement dans les étoiles que je prends chacun de mes atomes, même s'ils en viennent, mais de cette planète bleue. Toute ma matière vient de ce qu'elle peut donner d'eau, d'herbe, de fruits ou de bête. Et je mourrais dans l'instant si cela venait à disparaître, à être gâché, saccagé par moi si je n'en prenais garde. Je suis fait de terre, je suis fait de Terre.
En négligeant la première leçon, sommes-nous alors en capacité de comprendre la seconde leçon ? "Je suis fait de souffle", cette apparente immatière qui passe à son gré, me traverse et me creuse. Il ne s'agit pas alors de capturer ce souffle, de l'enfermer en soi. La bulle d'air ne fait souvent que faire exploser l'argile dans sa cuisson. Mais nous devons lui être un passage et prendre forme autour de l'espace que façonnent en nous les mains du divin pour devenir la coupe qui reçoit ce souffle.
Pourtant, la leçon ne s'arrête pas à nous laisser double, matière et immatière, sans souffle qui nous traverse et juste un souffle qui passe et meurt. Le mystère de cet apologue, c'est qu'il nous laisse un, comme jamais une sculpture n'est que la matière qui la compose, mais aussi la forme, l'utilité et le sens qu'elle prend.
Notre matière est donc terrestre, mais la question qui se pose à nous c'est aussi la forme, l'utilité et le sens que prend pour nous notre terralité. Et cette question, nous ne pouvons pas nous en défausser en invoquant le ciel, car le don du souffle qui nous est fait nous rappelle que le divin n'est pas séparé, mais intérieur et qu'il n'y a aucune dictature du sens qui nous tombe du ciel. Si nous sommes humains, c'est que nous sommes "l'hume Un".
La beauté du monde n’est pas un lot de consolation pour ce qu’on en connait de laideur, de cruauté ou d’injustice. Ce n’est pas la dorure ou le sucre d’une pilule amère, difficile à avaler. Ce n’est pas non plus un miroir aux alouettes, ni la carotte qu’on nous tend avec le bâton.
La beauté du monde n’est là que comme la fleur, venant en son temps, sans promettre d’arrêter le temps qui passe, sans non plus redouter sa victoire. Elle est là pour que l’évidence du mal ne vienne pas anéantir l’évidence du bien. Elle est là pour rappeler que le bon grain et l’ivraie pousse dans un seul et même champ. Elle n’a pas d’autre fonction que de rappeler que la vie n’est pas qu’une horreur et qu’elle est aussi une merveille et un don.
Ceux qui voient la beauté du monde n’ignorent pas ses misères et ses souffrances, ils les méprisent, non pour mépriser ceux qui en sont victimes, mais pour détester leurs malheurs et chercher à y trouver une réponse. Ceux qui voient la beauté du monde, en fait, ne sont pas aveugles, ni éblouis par la lumière, ils voient, tout simplement, la vie dans sa complexité, ses méandres, sa fragilité et sa grandeur aussi. Ils voient un cœur en chaque être. Ils voient la grande conspiration de l’univers pour qu’il y ait la vie plutôt que le néant. Ils voient combien le comportement de l’homme sur la planète met en péril l’incroyable arborescence et floraison de la vie à sa surface. Ils voient mieux que les autres encore le poids de chaque larme, la douleur de chaque perte. Ils voient combien l’injustice est à l’œuvre et combien il faut la combattre. La beauté du monde n’est pas une consolation, c’est une motivation et c’est une espérance. Elle n’est pas le constat béat, elle est un combat constant.
Chacun de ceux qui voient la beauté du monde, sans jamais croire qu’à lui seul, il peut la sauver, fait pourtant comme si elle ne tenait qu’à lui, qu’à son engagement et qu’à sa foi en elle. Il ne s’agit pas seulement d’un optimisme de la volonté qui viendrait contredire un pessimisme de la raison. C’est plutôt comme si la joie du cœur était capable d’étreindre sa tristesse, non pour lui demander de se taire, comme tenterait de la faire la consolation, mais pour l’aider à guérir, comme le fait un amour véritable. La beauté du monde n’est en fait pas un état du monde, c’est un état de notre cœur qui accueille ce monde avec tendresse, avec douceur, avec amour.
La beauté du monde n’est pas une consolation, c’est une guérison.
***
J'ai fait un rêve, le rêve d'une grande fraterni-terralité. Pour que ce rêve ne s'évanouisse pas comme les brumes d'un sommeil perdu au petit matin, j'ai pris le petit crayon, posé sur ma table de nuit, et le petit carnet où je peux noter parfois ce qui passe par mon cœur. Il fallait tenter de fixer de quelques mots cette fulgurance, pour en expliquer le sens.

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La première évidence qui vient à l'esprit, c'est qu'il s'agit peut-être d'une forme de fraternité, ce sentiment puissant qui unit les être comme s'ils étaient des frères, des frères qui s'aiment et se soutiennent, des frères qui ne s'abandonnent pas les uns les autres, mais qui font les choses ensemble, en unissant leur force. Chacun apportant qui sa force, qui ses connaissances, qui sa bonne humeur ou son intelligence, avec la fraternité, on peut construire Rome, inventer le cinéma ou gagner la guerre. C'est elle qui unit d'un lien incomparable les frères d'armes, ceux-là qui affrontent les mêmes épreuves, sans distinction de classes, en faisant fi des origines ou des croyances, pour affronter le même ennemi, le même oppresseur, le même envahisseur. Ce sont des frères de sang et de sueur, de peur et de courage, aussi égaux devant la mort qu'ils ne l'étaient pas devant la vie.
Mais mon rêve n'était pas celui d'une grande armée, plutôt celui de farouches résistants, d'une troupe de clandestins, des combattants de l'ombre, des s de l'Ombre. Ils n'obéissent pas à l'ordre, pas à l'ordre moral, pas aux ordres d'un chef qui se rêve maître du monde. Ils n'obéissent pas aux ordres, ils s'opposent aux désordres de l'injustice, de l'inégalité, de l'iniquité. Ils se battent contre le malheur du monde, contre le déséquilibre toujours croissant qui fait qu'une poignée de riches pèsent toujours davantage que des myriades de simples gens. Ils sont libèrent-terre, égali-terre et fraterni-terre. Pour eux, il n'y a qu'une seule race, la race humaine, dans la diversité de ses peuples et de ses cultures, dans le respect de chacun et l'équité entre tous.
N'en déplaisent aux spiritualistes de tous poils, même si je suis d'accord avec eux pour rappeler la nécessité de se dés-identifier de soi et de ses projections mentales, même si je ne cherche pas à être ni matérialiste, ni seulement un être de la seule finitude, mais aussi de l'infinitude, nous sommes des êtres incarnés, aussi incarné que le parfum l'est dans la fleur.
Je suis de la terre, je suis de la Terre, et c'est le seul navire, au moins jusqu'à ma mort, pour voyager dans l'univers. Je suis de la terre, je suis de la Terre, et cela me lie aux sols et aux ciels de ma petite planète bleue, cela me lie aux plantes et aux bêtes, dans une même fraterni-Terre, dans un destin commun que par trop j'influence des bassesses de mon humanité.
Le rébus de mon rêve commence à prendre sens. J'aimerais qu'il finisse par prendre sens. Mais je l'ai compris grâce à lui, il faut pour cela que j'agisse en frère de la vie. Et pour cela encore, je dois retrouver les frères et les sœurs, humains ou non-humains, pour à nouveau accomplir notre grande fraterni-terralité.
Comment donc avons-nous oublié que nous sommes des terriens, des terreux, faits de terre autant que d'étoiles ? Comment avons-nous pu croire que nous étions autre chose que des bêtes ? Par quelle folle arrogance avons-nous imaginé être les seuls gardiens du jardin ? Le ver de terre, l'abeille, l'arbre de la forêt, le plancton des océans savent chacun, mieux que nous, et chacun à sa place, être les gardiens de la Terre. Il est même fort possible qu'elle s'en remette bientôt à eux plutôt qu'à nous pour sauver son bel équilibre, son harmonie naturelle. À moins, ce que j'espère, que nous prenions notre part à cette révolution.
Comprenons donc bien que nous ne foulons pas la Terre au pied, nous sommes portés par elle, comme le petit qu'une mère porte à son sein. Comprenons bien que nous dépendons d'elle bien plus qu'elle ne dépend de nous. C'est par amour pour nous qu'elle continue à boire les poisons que nous versons dans ses entrailles. Mais ça la rend malade et même le lait qui coule de sa poitrine est devenu un venin que nous suçons avidement jusqu'à demain nous exploser la panse.
La Terre est généreuse, oui. La terre est généreuse à la frugalité, mais pas à notre boulimie. Nous mangeons le fruit, coupons la branche où nous sommes assis et arrachons l'arbre et ses racines jusqu'à tuer le sol. C'est cela que nous devons cesser. Cesser cela et sortir de l'hypnose de la consommation ; cesser cela et arrêter d'être nous-mêmes les produits que s'échangent les marchés.
Notre chair est de terre. Elle ne peut être de rien d'autre que cela, pas même de la promesse d'un ciel ou d'une vie éternelle. Notre chair est de terre, tous nos sens doivent nous le redire. Je dois le voir, l'entendre, le sentir, le toucher, le goûter. Je peux embrasser les arbres, marcher les pieds nus, respirer le parfum des fleurs, entendre le chant des oiseaux et le cri des enfants ... Je peux tant de choses qui me rappelle la frugalité plus que l'avidité. Je dois tant de choses, pour ne jamais oublier, pour le souvenir aux autres. Je suis terrien, je suis terreux et ma chair est de terre.
Il y a tant de talents dans l’Humanité. C’est sans doute mon seul espoir. Ici des paysans retrouvent des manières où la terre est l’être vivant qui a porté si longtemps. Là des ingénieurs trouvent enfin comment mieux capter et utiliser l’énergie du soleil. Ailleurs un homme trouvera, dans une forêt que nous n’aurons plus détruite, une plante médicinale, semée là par une forme de providence que nous avions oubliée. Plus loin une femme gouvernera son peuple avec une tendresse et une justesse qu’on ne connaissait pas aux hommes. Dans un hôpital, une troupe de clown passe de chambre en chambre, pour gai rire avec les malades et réveiller en eux davantage les forces qui guérissent. On trouvera aussi à faire renaître des champs dans les déserts, à entretenir les forêts pour qu’elle ne brûle pas tant. Les cuisiniers du futur nous préparerons des plats savoureux sans avoir à massacrer sauvagement tant d’animaux nourris des sojas qui déforestent. Mais je ne peux pas attendre cette humanité de talent. Je dois l’être moi aussi, à ma mesure, à la mesure de mon talent. Et pas pour faire joli dans les écrans, mais pour faire joli dans le monde.
10 avril 2020

Dans ce monde aveugle, heureux ceux qui sont à la fenêtre de leur âme.

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Tydé
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10 avril 2020

Plus que bravo, je veux ré-apprendre à dire merci.

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Nous avions oublié combien chaque chose de nos vies dépendaient de mille et mille gens. Nous avions oublié, parce qu'on pensait que tout nous était dû ou qu'on ne le devait qu'à l'argent, le boulanger, l'ouvrier, l'employée, le routier, l'éboueur, l'enseignant, 'infirmière ou le médecin qui chacun, permettent notre quotidien. Nous avons oublié, parce que nous voulions penser à nous avant de nous intéresser aux autres. Le rythme de nos vies, le rythme de nos villes, nous disaient "Ne t'arrête à rien ni à personne, prends, prends, sans rien y comprendre, sans même le vouloir, simplement par hypnotisme, dans cette suggestion de monde qu'on te vend en salade".

Mais, à force de l'oubli, nous avons tout détraqué, la planète, les peuples, les modes de vie ancestraux, le sens du nous, le sens de l'autre, consommant et consumant tout à la fois notre Terre et notre race humaine en pensant que "je" est roi.

Et voilà qu'un virus, petit ruban d'ADN colporté dans nos corps qui prennent les avions, les bateaux, les trains, les autos ou les métros, passe de corps en corps dans les infimes gouttelettes qu'on crache en toussant, en parlant ou même en respirant. A l'hyper-vitesse de notre modernité, voilà que la superbe humaine se grippe et la vanité de nos systèmes marchands nous pète à la figure. Et ça ne fait pas que tousser, ça peut littéralement nous priver d'air et nous mener à l'hôpital et parfois même à la morgue.

On s'invente alors une guerre, mais les guerres opposent les hommes entre eux, qui empreinte au langage des combats et des champs de bataille, mais où les canons n'ont rien à dire. Et ce sont les fonctions vitales, autant des corps que de la société, qu'il faut d'abord protéger et préserver. Sauver des vies est bien autre chose que faire la guerre, même s'il y faut la même abnégation, le même engagement, le même courage pour s'approcher si près du danger, au risque d'en périr parfois. Ce qu'on défend ici n'a pas de frontière, il s'agit de la vie, simplement de la vie.

C'est là que la mémoire nous en revient, même en plein milieu de ce qu'on appelle confinement, il n'y a pas d'humain vivant, pas d'humain viable, seul. Même en ermite, nous dépendons tous les uns des autres, dans un enchainement d'actions et de productions d'une incroyable complexité qui engage tant d'autres humains.

Puisse la gratitude redevenir une des leçons primordiales pour tous les survivants à ces épreuves. Ce ne sera pas gratitude pour les larmes que nous aurons versés pour ceux que le virus aura vaincus, directement ou indirectement. Ce ne sera pas gratitude pour toutes les autres tragédies, celles de la faim, de la violence ou d'autres maladies. Ce sera gratitude face à la conscience réveillée que tout ou presque de notre vie tient aux autres.

Nous vivions sans merci, que ça ne soit plus possible. C'est dans la gratitude qu'il y a un des signes les plus forts de notre humanité.

Tydé
Covid 2019 © Annaisse # https://500px.com/photo/1013571927/

10 avril 2020

La condition humaine que le confinement fait exploser, n'est pas une condition heureuse ni malheureuse

J'entends les souffles courts autour de moi, celui de la peur d'être à son tour contaminé. Je devine, celui oppressé des soignants et personnels des hôpitaux qui, honorant leur devoir et sans même en douter, sont là, auprès des malades. Je n'ose imaginer celui, artificiel, du malade intubé, plongé dans le coma, pour ne plus sentir ni la brulure dans ses poumons, ni la douleur de la canule qui maintient sa respiration.

Je vois la suspicion dans les regards où chacun est prêt à accuser l'autre de pouvoir, bon gré, mal gré, l'infecter à son tour en nous parlant ou respirant dans le même aire que soi. Je vois la réprobation des reclus face à ceux qui sortent encore. Je comprends parfois cette défiance qui voudrait voir s'éloigner comme un pestiféré tous ceux que leur travail oblige à circuler et qu'on accuse de colporter le virus alors qu'ils n'ont pas d'autre choix que de travailler sans distance.

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La crise est grave, profonde, probablement longue. Crise de notre modernité qui, pour l'instant, ne surpasse pas en gravité les effets des virus pauvreté, famine, guerre, violence interpersonnelle, mais qui est bien une crise systémique. Le virus suit le chemin du système capitaliste et consumériste. Il emprunte ses chemins depuis l'usine du monde jusqu'à nos portes,venant briser l'apparente tranquillité surtout des pays riches, seulement habitués aux malheurs individuels et qui se croyaient à l'abri des souffrances collectives. A la crise sanitaire et économique va sans doute s'ajouter une crise systémique où c'est tous nos mode de vie que nous allons interroger, voire suspecter, d'être en cause dans le déclenchement de ces souffrances. Après le terrorisme, après le réchauffement climatique, et maintenant le Covid 19, nous sentons bien qu'il y a quelque-chose de pourri dans le royaume des hommes.

Tant que l'économie n'était pas touchée, les puissants de ce monde n'entendaient pas, eux, la détresse du monde. Ce n'était pas le leur qui s'effondrait et celui des autres ne les intéressaient que dans ce qu'ils avaient à y gagner. Les États redécouvrent leur rôle et la nécessité de défendre les services publics, les industriels vont chercher à relocaliser les outils de productions, les transporteurs de tous bords vont devoir réfléchir à qui, quoi, où, comment, combien, pourquoi ils font voyager tant de gens et de marchandises, les agriculteurs vont retrouver tous leur sens et leur noblesse à produire au gré des saisons et des climats de quoi nourrir chacun.

Notre vie sociale et de relation elle-même va devoir se réorganiser, en tenant compte des mesures de précautions qui vont s'imposer un temps encore au delà du confinement, un peu comme nous avons appris à faire l'amour sous capote dans certaine condition. mais la prudence sanitaire ne peut ni doit ni devenir contrôle social ou défiance de l'autre. Tout ce que nous avons découvert ou mieux utilisé de la communication et de ses outils pour être en relation en confiance nous servira. l'abandon de certaines commodités et la découverte qu'on vit parfois mieux sans tout le fatras de choses qui faisait notre avant nous servira. L'approfondissement nécessaire des liens avec nos tout proches et les solidarité nouvelles que nous avons créé nous servira. L'épreuve même de la maladie ou du deuil, quand personne ne peut vous visiter ou vous rendre un dernier hommage nous servira.

La condition humaine, nos sociétés modernes avaient fait tant de de chose pour l'ignorer, ou le reléguer à ses confins que le confinement fait exploser, n'est pas une condition heureuse ni malheureuse, elle est toujours un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout, les deux. C'est surement la leçon essentielle, notre condition n'est qu'humaine. Quand nous n'en prenons pas soin, elle devient inhumaine.


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