L'insurrection contre la barbarie humaine

Une amie me partage " Je vois des humains, mais pas d'humanité". Je l'entends comme un cri de rage et de dégoût. Je crois la comprendre et je lui réponds.

"Peut-être vois-tu des humains parce qu'il n'y a rien d'autres à voir en regardant au dehors de soi. C'est vrai que l'humanité n'est pas entière, cette humanité qui serait faite d'un égale respect, d'une égale générosité envers les êtres. Elle n'est pas entière, ni en chacun de nous, ni dans le rassemblement des peuples et des cultures. Nos lâchetés, nos violences, nos insuffisances nous sautent à la figure dès que nous regardons autour de nous et même en nous. Probablement n'y a-t-il jamais eu avant nous, à la surface de cette planète, d'espèce capable, non seulement de creuser de ses mains sa propre tombe, mais aussi coupable d'y faire tomber tout et n'importe quoi qui vit d'elle. Ce n'est pas qu'un suicide collectif, c'est un crime et un naufrage.

Oui, l'humanité, notre humanité, celle qui, malgré ce qu'on en redoute ou ce qu'on en déteste, fait de nous des hommes et de femmes, est très incomplète, dans sa globalité comme dans chacune de nos personnes. Elle ne l'est pourtant pas de manière homogène, elle l'est de manière très diverse tout autour de la terre et à l'intérieur de chaque conscience. Je ne peux pas me résoudre, comme la flèche de tes mots le fait pourtant, à effacer l'humanité d'un trait de plume. Je préfère, ne serait-ce que sous la forme d'un doute, lui laisser une chance de redevenir ce qu'elle est dans le rêve qu'en fait notre cœur.

Quand tu vois dans ton miroir une larme de tristesse qui coule sur ta joue au spectacle des atrocités dont nous, humains, sommes capables, les uns envers les autres, contre les bêtes ou contre la planète, ce n'est pas une humaine que tu regardes, c'est l'humanité qui pleure à travers toi. Quand tu recueilles et nourris les animaux de ton jardin, c'est déjà l'humanité qui agit à travers toi. Quand tu protestes et que tu informes tes proches et tes voisins de la sauvagerie de notre monde moderne, quelle qu'en soit la forme, c'est l'humanité qui résiste à travers-toi. Quand tu t'émeus des gestes de générosité que tu vois semés autour de toi, c'est l'humanité qui retrouve un peu de sourire à travers-toi.

Je ne veux pas regarder l'humanité à l'aune seulement du désespoir, car alors, elle n'existe déjà plus. Je veux la voir du mieux possible avec qu'il y a en moi de possibilité d'aimer, à l'aune d'une espérance, celle où la nuit n'est qu'une partie du jour, même si elle revient sans cesse, quel que soit le soleil.

L'insurrection contre la barbarie humaine, c'est le germe de l'humanité de l'humanité, pas son tombeau. Ma raison me dit que je vois des humains et pas d'humanité, mais mon cœur, lui le refuse, il voit l'humanité quand il voit des humains. 

Ta colère, je la prends comme une claque. je comprends bien qu'elle n'est pas là pour me punir, mais pour tenter de me maintenir éveillé et conscient, car tomber dans l'inconscience, ce serait très immédiatement me mettre en danger de mort. Ton cri est là pour que mon humanité reste en vie et ne tombe pas dans l'éternel sommeil que tu vois s'emparer de la majorité de nos consciences. C'est bien là la preuve que l'humanité existe puisqu'elle le souffle de ton cri."

Tydé
"Boy from Entoto" © Trevor Cole
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